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Avec ce premier ouvrage, les éditions (dans la peau) entrouvrent la parenthèse comme on ne peut s´empêcher d´agrandir une blessure béante. L´homme se combat lui-même, endosse les différents rôles : victime, tortionnaire, fouillant dans les immondices les yeux grands ouverts, explorant un registre sauvage sans la moindre crainte d´y laisser sa peau. Que reste-t-il après le désespoir, après l´alcool, après la came ? Que reste-t-il après l´amour ? Pas seulement le dégoût, même quand on se réveille cerné par les flics, la joue gluante dans une flaque de vomi. Brillant, le calice de la plante hybride poussée sur les décombres. Sur ses feuilles mercuriales, des mots serrés chuchotent l´indicible sur le thème du plaisir et de la douleur. Metalucine, mais t´hallucines ? Biohazard ! Black Flag ! Il est temps de perdre la tête si c´est encore possible. Volume à fond, vêtu de ses seuls tatouages, serrer les doigts sur la lame du couteau et d´un seul geste, tournoyer, faire gicler le sang, se cogner contre les murs, bander. Trancher dans les mots, sectionner l´histoire, poignarder la pudeur, éjaculer. Godflesh. Lécher la peau des filles tristes, dessiner avec un doigt dans le sang, rien à foutre… "Comment peux-tu me croire quand je dis que je suis heureux ?" Natural Born Topper redescend dans la rue, mentalement il fend la foule tandis que le doigt d´un sniper fictif tremble sur la gâchette, c´est le destin.
Il y a quelque chose d´Henry Rollins chez cet auteur, et je ne parle pas que de ses tatouages. Non, c´est vraiment une énergie, une lucidité sans pitié et un humour noir qui devrait Arriver près de chez vous. Ses poèmes trash seraient chez eux sur scène devant une marée humaine pogotante, hurlés à bout portant sur un beat hardcore... Juste des mots destroy qui traquent l´obscène, juste une bande de mecs psychotiques, juste un putain de miracle, juste un enfer ordinaire. Monstre-toi ! Et l´inorganique n´en
finit pas de pénétrer l´organique. Balle de Beretta,
rituel Sundance au fer de lance, dents de la tronçonneuse qui
mordent jusqu´à l´os, tranchant de la dague, crochets
O-Kee-Pa arrachant les tabous. Dans le meilleur des cas, liturgies de
l´extase pour des fakirs modernes, agonie stupéfaite plus
généralement. Ce livre est-il un mode d´emploi pour
reconstruire les cyborgs ? S´agit-il d´un manuel de
survie, d´une invitation au suicide, d´une tentative thérapeutique
de l´auteur face à une obsession morbide ? Mais tout
cela et plus encore ! En préface, Milan Tomasz propose plusieurs
pistes, à chacun de choisir son angle (du mien, je bénéficie
d´une perspective à couper le souffle ;-) D´où vient ce besoin
viscéral, cette nécessité pour certains de s´acharner
sur le corps, de ligoter, malaxer, forcer, extirper, modifier ?
Peut-être parce que la chair s´avère le médium
le plus disponible pour effleurer l´indicible, et demeure la dernière
zone d´autonomie dont dispose l´homme civilisé. Ou
parce que ce millénaire sera celui du KØR comme l´ont
inventé Ann et Lukas Zpira dans leur manifeste : "Ne
cherchant a reprendre possession de nos corps, que pour mieux maîtriser
nos esprits…" Une fois "rassuré sur vos
pulsions malsaines", libre à vous d´accepter que l´innocence
puisse se lover dans le ventre du vice. Fétichistes lecteurs,
philosophes de la zone, mutants cruels, esthètes psychopathes,
body artists, quand vous aurez lu ce livre, ce sera votre tour de pénétrer
l´univers mental de Topper comme prochains archétypes :
soyez-y tendrement pervers. Maintenant que le métal est dans
la chair, il finira par tous nous avoir dans la peau. |
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Topper, Fleurs
de métal, Editions (dans la peau) n°001, 2001, 125 p. |
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