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Non que le reste
de la planète ait l’habitude d’être suspendu
au sort de Madagascar, pays parmi les plus pauvres du monde, qui évitait
depuis toujours la noyade dans les eaux tropicales de l’indifférence
par les vertus du système D et des ballons d’oxygène
de nations bailleuses de fond. L’année dernière
à la même époque, l’île bénéficiait
par la grâce du ciel d’un sursaut d’intérêt
touristique sous la forme d’une éclipse solaire. Etant
au nombre des astronomes amateurs de lémuriens qui sillonnèrent
le pays à la poursuite du phénomène, ne comptez
pas sur moi pour une analyse détachée des évènements.
Qui n’a pas goûté au foie gras Bongoût, qui
n’a pas vu le chauffeur couper son moteur pour descendre les rues
de Tana à bord d’une épave de 4L recyclée
en taxi-bé, risque le télescopage avec l’esprit
afro-asiatique du peuple malgache : cette philosophie panachée
d’enthousiasme, d’initiative et d’un ingrédient
essentiel, la fatalité tranquille du «mora-mora». De propagande musclée en
démonstrations de force, le pays a beaucoup souffert : grève
générale anti-Ratsiraka décrétée
par les manifestants de la place du 13 Mai contre barrages routiers
«anti-économiques» tendant à asphyxier la
capitale et son maire Ravalomanana ; vaste opération de
déstabilisation avec évasion massive de prisonniers, tentative
de dynamitage d’un barrage et d’un dépôt de
carburant ; intimidations ethniques à Toamasina, la capitale
transitoire de Ratsiraka ; putsch avorté impliquant douze
barbouzes importés de France, pillages et incendies des résidences
ministérielles de l’ancien régime, échoppes
braquées et marchands de rue dépouillés par des
bandes de miliciens dans les provinces… Soulevé par un
violent ras le bol face à la corruption endémique, l’obscurantisme,
la paupérisation, la fraude électorale et la désinformation,
le peuple malgache exige un réel changement de fond, preuve en
est le taux de participation élevé lors du premier tour
des élections. Mais qui est son opposant et quels
atouts lui ont permis de renverser le vieux cacique ? Maire d’Antananarivo
depuis 1999, ce chef d’entreprise ultralibéral de 52 ans
emploie 5000 personnes via Tiko, le géant de l’agroalimentaire
malgache, dont les yaourts, huiles alimentaires et sodas distribués
jusqu’au fin fond de la brousse sont synonyme de qualité.
Issu d’une famille modeste de l’ethnie merina, Marc Ravalomanana
est parti de rien pour devenir multimillionnaire, ce qui lui vaut la
sympathie de ses compatriotes. Formé à l’étranger,
il suit des stages en Scandinavie, aux Etats-Unis et en Suisse, reçoit
en 1982 un sérieux coup de pouce de la Banque mondiale qui lui
parachute 1,7 millions d’euros et ses partenaires industriels
sont concurrents de la France : Unilever, Tetra Laval, l’Afrique
du Sud, la Scandinavie, l’Allemagne... Ajoutez à ça
le soutien des Eglises si influentes à Madagascar et la propriété
d’outils de communication flambants neufs : télévision
et réseau de radios privés, vous avez en main tous les
composants pour réussir une campagne à l’américaine. Depuis que Washington a ouvert
la voie de la reconnaissance internationale, le 26 juin date de l’anniversaire
de l’indépendance, en légitimant Marc Ravalomanana
comme président de Madagascar, la grande île émerge
lentement de la crise. Parce que le pays ne se relèverait peut-être
pas d’une autre «démocrature» (dictature d’apparence
démocratique, dans les termes du N’Djamena Hebdo), le nouveau
gouvernement se devra d’être aussi idéaliste que
pragmatique. Allez, salut à toi peuple malgache et bienvenue
dans la world company ! |
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juillet 2002 |
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